Après une semaine de meeting et de journée remplies de 7h à 19h. J'ai un trou dans mon emploi du temps Jeudi à 14h. Je refaits la route le lendemain matin pour aller prendre l'avion en fin d'après midi à Houston. Je décide de reposer mon ordinateur et mes affaires de travail, changer de chaussures et tracer vers Fort Worth pour revisiter le musée (voir Fort Worth 1/2).
En chemin je croise un ami américain (Mike) qui se propose de me suivre dans ma visite. Je le prends et nous voilà parti pour aller visiter un peu au pas de course ce fameux musée.
Comme on peut le voir sur ces photos ce musée fait la part belle à la lumière. Tout est sobre et est fait pour mettre le visiteur dans l'ambiance de l'art moderne sans que le bâtiment prenne le pas sur les oeuvres exposées. L'intérieur est tout aussi sobre :
Les salles sont quasiment vides. On est jeudi après midi, il y a peu de monde. Faire un musée dans ces conditions est quand même agréable. Il y a du parquet au sol dans les salles avec des murs blancs, les salles qui font le tour du bâtiment et sont proches des fenêtres sont en béton avec un sol en carrelage. Les vitres sont a armatures en métal, plus hautes que larges, couvertes par des rideaux en toile rigide micro-percée.
Les oeuvres présentées sont multiples et très exhaustives des arts de 1945 à nos jours. Je n'ai pas pris trop de photos des oeuvres présentées, on peut y voir :
- Roy Lichtenstein
- Ellysworth Kelly (plus haut les trois formes, 1 rouge et deux noires)
- Mark Rothko (je le met un peu plus bas)
- Robert Motherwell (Elégie à la république d'Espagne, comme d'hab, là c'est le N° 171)
- Ad Reinhardt
- Andy Wharol ...
Mais aussi des oeuvres rares et majeures :
- Gerard Richter (1932, ), une peinture de Ferrari grise en mouvement et une peinture de mer et de ciel remarquable, on croise plus souvent des Richter abstrait que ses premiers travaux à partir de photos. Ainsi que le portrait de Ema nue descendant des escaliers...
J'aime beaucoup le travail de Richter. Surtout les quatre cages visibles à la Tate Modern de Londres. Un jour je ferai un classement de mes artistes préférés. Même si cela n'a pas trop de sens car j'arrive a avoir des émotions devant des photos et des peintures, ce qui est complètement différent comme mode d'expression...
- Une série émouvante et extraordinaire de photos de portraits de soeurs. Nicholas Nixon (1947, ) a pris, pendant 37 ans et une fois par an, les quatre soeurs Brown en photo dans des poses différentes mais toujours à la même distance et avec le même cadrage et le même ordre de gauche à droite. Bebe (c'est son prénom) une des soeurs, est la femme de Nixon. . On les voit vieillir. Absolument époustouflant d'avoir devant les yeux une vie complète qui est étalée sur un pan de mur complet.
Ci desous Martin Puryear (1941,) , "Ladder for Booker T. Washington", un artiste que j'ai pu croiser dans de très nombreux musée de part le monde, avec entre autre une très grande rétrospective à Washington (je ne suis pas certain mais je crois que c'était là bas). En tout cas, même si ces oeuvres m'ont parfois fait sourire et m'ont amusées, je n'ai jamais vraiment accroché. Ce qu'il y a de certain, c'est que cette échelle est parfaitement mise en valeur ici.
L'installation à droite est superbe, le message défile et se reflète dans la vitre, on croit que les mots vont s'enfoncer dans l'eau. Sauf que j'ai oublié de noter qui est l'auteur. Je vais rechercher.
Autres exemples de différents type d'expression artistique; prenons trois oeuvres présentes dans ce musée et faites par trois artistes différents, tous trois américains et tous les trois quasiment du même âge, en tout cas ayant subit les mêmes influences politiques et culturelles (j'ai pas creusé pour le social)...
Nancy Graves American, 1940-1995 (Weelabout)
Dan Flavin American, 1933-1996
Larry Bell American, born 1939
Commençons par l'oeuvre de Larry Bell, un cube en verre avec des montants chromés. (Sans titre).
Larry Bell essaye de ne travailler que sur l'abstraction géométrique. On retrouve un travail similaire chez Donald Judd qui est de la même génération. Le but de l'artiste est de porter toute l'attention du spectateur sur la forme, le ressenti visuel et la lumière. Dans un très bon "D'art D'art" on explique que le travail de Judd est de supprimer tout ce qui pourrait porter à interprétation. Cet artiste considérait que même dans la peinture abstraite (voir par exemple le Rothko en dessous) on pouvait y voir une signifiance ou une interprétation des formes et des couleurs. Son travail consistait à supprimer ce sens et à ne mettre en avant que les formes, les couleurs et les matières.
Larry Bell fait ici un peu de même. On peut se mettre devant l'oeuvre et n'y voir qu'un cube de verre. Certes. L'artiste a travaillé pour ne laisser que le minimum, abstraction de l'inutile, travail sur la forme, condensé de perception visuel.
Larry Bell place son cube sur un piédestal en plexiglas afin que la lumière rentre par le dessous et qu'on ait l'impression que le cube flotte dans l'air. Dans la notice de l'oeuvre on apprend que Larry Bell a utilisé un verre qu'il a teinté à l'aide d'une machine utilisée pour teinter les verres des cockpits des avions de combat de l'armée. La couche déposée s'estompe vers le centre et concentre la vision.
On retrouve un travail similaire chez Sol Lewit ou Carl André et ici Dan Flavin. Le travail sur les néons est aussi une autre méthode pour sculpter la lumière et s’affranchir de l'apesanteur. Les néons de Dan Flavin, bien que physiquement accrochés au mur, flottent dans l'espace. L'oeil perçoit les lumières, les formes et les couleurs mais pas le matériaux de base. Nous savons qu'il s'agit d'un néon mais nous ne pouvons voir que la lumière produite et pas l'objet en lui même. Dan Flavin a commencer à travailler avec les néons industriels blancs et les diagonales et autres positions géométriques dès 1963. Cette oeuvre Dan Flavin
( Untitled (for you Leo, in long respect and affection) 4) date de 1978. Le mélange des couleurs des tubes donne l'impression que l'oeuvre flotte dans les airs dans le coin de la pièce.
Et enfin Wheelabout. Une oeuvre de Nancy Graves. Un assemblage d'objet de récupération et une transformations de ceux-ci pour donner une forme vivante, organique a des chaines, des fers de construction, des roulettes de chariot de supermarché et une planche. Trottinette vivante, jeu d'enfant. Les couleurs sont gaies, vives. Ne lâchez pas un enfant dans cette pièce ou il s'accapare l'oeuvre comme si c'était un jouet, tant la forme et les couleurs sont engageantes.
Trois artistes américains et trois mode d'expressions. Deux qui vont accrocher par la lumière, la gaités, un qui va toucher par sa légèreté. Trois émotions différentes. Ou aucune émotion, aucun ressenti. Chacun est libre de passer devant ces oeuvres et ne rien ressentir. Nous ne sommes plus à l'époque de Marcel Duchamp qui mettait les spectateurs dans l'obligation de réagir en plaçant un bidet dans un musée et en proclamant que c'était de l'art.
Personnellement ma perception s’arrête aux installations vidéo. Tout le reste j'arrive a percevoir, réagir, comprendre, ne pas aimer, être ému. Mais la vidéo. Pouf. Rien. Je n'arrive pas à comprendre.
Mark Rothko, (1903-1970) (ci-dessous) a lui aussi été obsessionnel dans son travail. En dehors des couleurs et des tailles, vous pouvez reconnaitre une oeuvre de Rothko au premier coup d'oeil. Certains arrivent a voir dans les horizontales de ses peintures un paysage, les verticales une personne debout... Les empilements de Judd ne laissent pas place à interprétation.
Le mickey qui pleure (Environ 3 mètres de haut, résine) s'apelle "COMPANION (PASSING THROUGH)" est l'oeuvre de KAWS (aka Brian Donnelly, 1974) un artiste New-yorkais. De loin j'ai cru que Murakami était passé par là, mais non. J'aime beaucoup.
4 Personnages. Bois peint.
Stephan Balkenhol Allemand, (1957, )
Le livre avec des ailes de Anselm Kiefer (1945,) (Plomb, étain et acier). Il y a plein d'explication sur le travail des livres de Kiefer. Celui avec des ailes en plomb symbolise tout ce qu'on veut. En tout cas, il ne peut pas voler très loin...
Vortex de Richard Serra (1939,). Cette sculpture de Serra en acier Corten (race d'acier faiblement allié qui résiste très bien à la corrosion en rouillant de façon superficielle) fait 20 mètres de haut et un diamètre de 6 mètres. Les feuilles d'acier qui forme la pétale de cette fleur font environ 3 cm d'épaisseur. Richard Serra s'est spécialisé dans ces structures imposantes en acier. Que ce soit en intérieur avec par exemple les oeuvres majeures visibles au Gugghenheim de Bilbao (7 sculpture appelée "La matière du temps") ou en extérieur avec des pièces visibles à Berlin, Bâle, ou Liverpool. Dans tous les cas ces installations sont en même temps un choc visuel, leur massivité et leur solidité vous renvoient à votre propre fragilité et temporalité; mais aussi auditif et sensoriel. Une oeuvre de Serra s'apprécie aussi de l'intérieur. C'est un voyage des sens. Lorsque vous êtes dans cette amas d'acier de 20 mètres de haut et 6 mètres de large, vous êtes avec votre écho, la lumière du haut qui est absorbée par l'acier des parois; le son qui fait un écho.
Tout est expérience sensorielle. Les oeuvres de Bilbao sont exemplaires de ces sensations. Vous progressez entre deux parois en acier qui ont des courbures différentes de chaque côté du couloir et du haut en bas et après deux tours vous avez perdu toute notion de nord/sud, vous êtes au milieu du vortex d'acier dans le silence désorienté.
Personnellement j'adore les oeuvres de Serra, visuellement. Mais les visiter est une expérience à part. C'est en repartant du parking que j'ai vu cette tour. Je me suis arrêté et j'ai dit à Mike de me suivre pour aller visiter le Serra. J'ai senti un peu de doute au moment de sortir de la voiture, genre "qu'est-ce qu'il raconte"; et après être rentré dans l'édifice il a compris que ce n'était pas juste un tas de rouille. Il y a un truc. quelque chose se produit. Si vous aimez conceptualiser vous pouvez y aller sur tout un tas de message divers et variés; mais dans tous les cas visiter un Serra au moins une fois dans sa vie est un truc à faire.
Retour Dallas, dernière soirée au Texas. Demain matin valises, checking out et voiture pour l'aéroport de Houston. Retour vers la froidure après cette semaine à 18°C.