Fondation Cartier - Daido Moriyama et Fernell Franco
Aucun lien entre ces deux expositions photographiques.
Toutes deux sont exposées dans le superbe lieu de la Fondation Cartier. Boulevard Raspail dans le 14ème.
Je profite de l'exposition et du beau temps pour montrer quelques photos de l'extérieur du bâtiment.
Et de la vue qu'il procure. Derrière un joli jardin permet de se reposer au calme avec un café ou un thé. Mais ça c'est plutôt au printemps que maintenant.
La fondation Cartier n'autorise pas les photos des oeuvres. Je comprends la volonté de garder le © des oeuvres présentées et ne pas se faire voler des possibles achats de livres et de publications associés (cartes postales et autres).
Je me permets de montrer ces quelques photos du lieu et des accrochages avec un pub d'information, pour inciter à aller à l'exposition. Si cela offense Madame Cartier, je retirerai ces quelques images.
L'exposition Moriyama est découpée en deux parties distinctes.
Tout d'abord l'espace principal avec un superbe accrochage de 86 photos couleurs prises entre 2008 et 2015 par Moriyama.
L'artiste dit :
"Le noir et blanc exprime mon monde intérieur, les émotions et les sensations que j'ai quotidiennement quand je marche sans but dans les rues de Tokyo ou d'autres villes.
La couleur exprime ce que je rencontre, sans aucun filtre, et j'aime saisir cet instant pour ce qu'il représente pour moi"
Je vous avoue que j'ai du mal à apprécier la différence de photos entre celles en N&B et celles en couleur.
J'adore ses tirages couleurs et je ne connaissais que le travail en N&B de Moriyama. Très contrasté, des bas résilles, des lignes noires. Un travail en même temps sombre et dur et pourtant poétique. Moriyama ne s'apprécie pas par une photo unique mais justement avec cette profusion et ce mélange. On comprend, on est touché par sa démarche en déambulant d'une photo à une autre. Ces bouts de vie sont devant nous.
Il nous transmet ses émotions. Rien de drôle, rien de vulgaire, juste un pan de sa vie et de sa ville qui défile devant nous.
Je me suis toujours demandé si un artiste comme Moriyama aurait eut de la célébrité en photographiant sa ville de 200 habitants dans la creuse. Pas d'offense. Juste une interrogation sur ce qui est aussi la force de ses photos, à savoir son sujet : Tokyo. Ville extraordinaire dans le sens étymologique. La liberté des cadrages et de la mise au point de Moriyama en font un photographe à part. Il peut utiliser n'importe quel outil, il ne cadre pas, ne vise pas. Il chasse des émotions et les transforme en image. Et ça fonctionne.
L'accrochage est parfait, mise en scène superbe, tirage impeccable de peps. Super partie couleur.
Dog and Mesh Tights. Est "l'exposition/diaporama" créé pour l'occasion par Moriyama.
Sur quatre grands écrans sont projetés des photos N&B de Moriyama sur fond de captation sonore de bruits de ville, ambiance de bars, de cours d'école, de gare.... Le tout dans une pièce noire avec des poufs carrés pour s'assoir.
Ces photos de rues, de personnes, de la ville en général sont l'inspiration de Moriyama. On suit ses déambulations et il nous montre ses petits riens qu'il a croisé. Grillage perforé, tuyaux de ventilations qui semblent s'enlacer, formes étranges, sans abris ou personnes avachies dans la rue...
Pas de lien entre les photos, juste un voyage dans la vie de l'artiste et ses émotions.
Ici je mettrais un petit bémol concernant la mise en scène.
J'ai trouvé les écrans trop bas. Assis sur un des poufs nous ne pouvons voir la totalité des photos car les personnes devant vous masquent une partie des projections. J'ai expérimenté des poufs plus bas, remplis de billes, ou des écrans accrochés plus haut pour ne pas être gênés par ses voisins aurait été sympa. Rien de rédhibitoire. Mais c'est un peu dommage.
Dans tous les cas, une exposition à voir d'un artiste majeur. Au delà du photographe, Daido Moriyama est à mes yeux un poète qui écrit ses vers avec son appareil photo. Il peint Tokyo et on retrouve tout ce qui fait le charme et la surprise du visiteur au travers de tous les clichés projetés sur ces écrans.
SHINJUKU PAR DAIDO MORIYAMA
Extrait du catalogue de l'exposition
Lorsque je marche le soir, mon appareil photo à la main, du Kabuki-chô a Kuyakusho-dori, puis d'Okubo-dori à la gare de Shin-Okubo, il m'arrive parfois de sentir un frisson courir le long de mon dos. Il ne s'est rien passé de particulier, et pourtant je perçois en moi comme un mouvement de recul. Sous les néons et les enseignes lumineuses, ou dans l'obscurité au fond des ruelles, se reflète une foule grouillante à la présence fantomatique. Et les réactions de ces ombres humaines, aussi subtiles que celles des insectes, se transmettent à la manière d'impulsions électriques à l'oeil du petit appareil photo que je tiens à la main. Sous le coup de la tension, les cellules de mon corps s'agitent un peu, tandis que je capte dans l'air environnant ces grésillements qui précèdent l'orage. Lorsque je rôde dans tous les recoins de ce quartier, enveloppé d'une vague atmosphère de violence, je me répète, comme pour me défendre de ma crainte, qu'aux yeux d'un photographe comme moi, finalement, le seul sujet qui vaille la peine, c'est Shinjuku. Pourquoi ? Parce que ce quartier est unique et qu'il a conservé l'allure d'un gigantesque faubourg.
En 1997, aussitôt après avoir terminé mon livre de photographies d'Osaka, je me suis dit : « Bon, cette fois, il serait temps que je m'attaque à Shinjuku ! », et cette idée s'est imposée à moi naturellement, mais aussi avec la sensation presque palpable d'une évidence. Je venais, pendant toute une année, de photographier Osaka, une ville caractérisée par une puanteur et des contours particuliers et, peu à peu, mon intuition m'avait mené à la conclusion qu'un seul endroit, par sa réalité dense, pouvait l'égaler et même la surpasser : cet endroit n'était autre que Shinjuku. En d'autres termes, pour moi chez qui déambuler dans les rues et regarder partout, un appareil photo à la main, est une seconde nature, le seul territoire encore plein de vitalité à Tokyo, ce n'est évidemment ni Shibuya ni Ikebukuro, et encore moins Ginza, Ueno ou Asakusa, mais Shinjuku.
Et pour un photographe de rue comme moi, il serait inconcevable de marcher dans Tokyo en portant le regard ailleurs que vers ce quartier, boîte de Pandore débordant de mythes contemporains. Shinjuku est une véritable ville, et j'ai beau la fréquenter depuis près de quarante ans, elle demeure énigmatique à mes yeux.
Chaque fois que je m'y pose pour la contempler, elle semble, telle une chimère, me dérober sa véritable nature, et brouille ma perspective mentale comme si je m'étais égaré dans quelque labyrinthe. Il serait faux de dire que je la déteste, mais quand on me demande : « Vous l'aimez donc vraiment ? », tout à coup je me sens réduit au silence. D'autres quartiers de Tokyo comme Ginza ou Asakusa peuvent me plaire plus ou moins, mais dans le fond mes relations avec eux restent assez insignifiantes, tandis qu'avec Shinjuku, c'est tout autre chose : il s'agit d'un attachement exclusif, qui ne fait que croître. [...]
Shinjuku, qui pour moi s'étend jusqu'au quartier de hautes constructions connu sous le nom de « nouveau centre urbain », se projette devant mes yeux tantôt comme une toile de fond géante, tantôt comme une vaste fresque dramatique, tantôt comme un bidonville installé là pour l'éternité. Et, curieusement, dans cet espace je n'arrive pas à découvrir de dimension temporelle. Car à Shinjuku, on ne peut pratiquement pas trouver trace du passage du temps, ce temps qui, à sa façon, s'accumule dans toute grande ville. Loin de moi l'idée d'esquisser un parallèle avec New York ou Paris, mais dans ces cités-là demeurent quelques marques ou formes temporelles qui permettent, dans une certaine mesure, de décrypter leur histoire. Bien sûr, on ne peut nier que certains facteurs séparent ces villes : différences de culture ou de mentalité, restes ou non de ravages dus à la guerre...
Mais chez ce monstre du nom de Shinjuku, les repères géographiques sont mouvants, et les repères temporels indistincts. Ce quartier, métamorphosé en bête inquiétante dont l'épiderme parcouru de soubresauts va de mue en mue, engloutit tout ce qui se présente mais - allez savoir pourquoi - n'a pas besoin de se repaître du temps. A une exception près : le 21 octobre 1968, point culminant des troubles politiques qui rayonnèrent depuis cet endroit à la fin des années 1960, dont la date est restée gravée dans les mémoires. Mais aussi bien avant qu'après cet événement, le temps a entièrement disparu de Shinjuku. [... ]
DAIDO TOKYO
Fernel FRANCO - Cali clair-obscur
Une très belle exposition rétrospective d'un artiste colombien qui a photographié à Cali (10 séries de photos de 1970 à 1996). Né en 1942, mort en 2006, Franco a photographié une partie de sa ville en ruine, des prostituées, des étales emballées (comme des oeuvres de Christo)
Grande exposition, belle rétrospective, dans une salle une petite installation qui recrée l'atelier de l'artiste.
Chouette scénographie. Eclairage, encadrement....Sauf que rien.
Enfin pour moi, rien.
Je n'arrive pas à comprendre pourquoi j'accroche à un morceau de grillage photographié à l'arrache par Moriyama et que je n'arrive pas à apprécier une échoppe emballée dans une vieille bâche par Franco. Ben c'est comme ça.
Peut-être qu'en commençant par lui mon impression aurait été différente. Je ne sais pas. Deux, trois photos que j'ai apprécié. Max. Désolé.
La sensibilité latino-américaine n'est pas passé après la force japonaise ? En tout honnêteté je ne pense pas. J'ai déjà ressenti des choses similaires. Avec de l'art abstrait par exemple. Il m'est arrivé d'être "émus" par un Kline puis rien avec le Delaunay à côté.
Là c'est la même. J'ai trouvé ses photographies de prostituées simplement banales. Limite ridicule. Nan Goldin me met une claque. Là, rien. La pauvre fille qui prend une pose plus nulle que lascive me fait presque rire du ridicule sa gestuelle, si ce n'était la tristesse de la situation. Les pans de murs défraichis et en ruine ne me touchent pas. J'ai rarement vu des villes de Colombie en bonne état de toute façon.
Mais je ne vais pas m'étendre sur le sujet.
Allez voir Daido et jetez un coup d'oeil à Franco. C'est moi qui n'ai pas du comprendre le travail de ce Monsieur.
Si on lui consacre une exposition complète c'est surement à raison.
A bientôt
PS : Quand je dis qu'il faisait beau :